jeudi 31 mai 2012

Critique #62 : Polly and Her Pals (Futuropolis)


Lorsque l'on parle des maitres du comic strip de la première moitié du vingtième siècle, ce sont quasiment toujours les mêmes noms qui reviennent en boucle (et à juste raison) : Milton Caniff, Alex Raymond, Hal Foster, George Herriman, Winso McCay, Al Capp, Frank King etc... Il manque cependant dans ce genre de liste un grand nom du comic strip : Cliff Sterrett. Il a pourtant créé une œuvre reconnue pour son inventivité (notamment graphique) : Polly and Her Pals. Créé le 4 décembre 1912, le strip s'est d'abord appelé Positive Polly avant de devenir Polly and her pals six semaines plus tard (le 13 janvier 1913). Pour la petite information, ce strip existait également en version sunday strip. Il avait sa propre histoire. Les dailies et sundays seront regroupés sous le même nom en 1925. Le comic strip s'achèvera en 1958 (avec la disparition de l'auteur). Mais qui est donc cette fameuse Polly ?

 

Polly and Her Pals est une comédie familiale un peu loufoque. Le comic strip raconte l'histoire quotidienne de la famille Perkins composée de Polly la fille, de Ma (Suzie Perkins) et Pa (Sambo Perkins), les parents. Le chat de la famille est également un personnage récurrent du strip. Polly est l'archétype de la jeune fille « moderne » (pour l'époque évidemment). Elle a une certaine indépendance, elle a beaucoup de petits amis (mais aucun d'eux ne semblent pouvoir conquérir son cœur). Ma et Pa sont plus traditionnels. Ils forment un couple « normal » (typique de ce que l'ont peut voir ou lire dans les œuvres du début du vingtième siècle). Polly est censée être l'héroïne du comic strip. Mais finalement, ce n'est pas vraiment le cas. Les vraies stars sont clairement les parents de la jeune femme. Le ressort comique passe quasiment intégralement par les situations et réactions de Ma et Pa. Ils n'ont pourtant pas de problèmes graves qui pourraient servir de terreau pour des gags. Ils sont au contraire des gens simples, ayant des préoccupations simples. Cliff Sterrett réussit à faire rire à partir de ces simples situations. Ce qui n'est pas si évident.

J'ai acheté et lu cette édition de Futuropolis pour savoir si la bonne réputation du comic strip et de son auteur étaient justifiées. Et il faut reconnaître que malgré quelques réserves, on sent clairement qu'il y a quelque chose à creuser. Je m'explique. Cette édition de Futuropolis m'a moyennement convaincu. Elle regroupe quelques histoires parues en 1926, 1927 ainsi que quelques planches du dimanches parues entre 1930 et 1932. L'avantage est que nous avons l'occasion de lire des histoires complètes. Cependant, on peut se demander si le choix des histoires est judicieux. Pourquoi ? Parce qu'un grand nombre de strips ne sont pas vraiment très drôles. J'ai peu ri en lisant ce livre. Et je pense connaître la raison : la traduction me semble discutable. Je ne peux faire la comparaison avec la version originale (ne la possédant pas). Cependant, j'ai ressenti à plusieurs reprises le même sentiment : « ça devrait être drôle (les panels des strips transmettent des signes amenant le gag) mais ça ne l'est pas ». Je me trompe peut être mais c'est en tout cas mon sentiment. Je n'ai donc pas beaucoup ri. Mais les strips réussis sont vraiment très drôles. Le décalage entre la façon de pensée de Sambo et sa fille Polly amènent de très bons gags.

D'un point de vue graphique, c'est étonnant. Cliff Sterrett nous propose plusieurs styles dans le même comic strip. Ainsi, Polly et ses amis (ses prétendants et ses amies) sont graphiquement très différents de leurs ainés. Les premiers sont représentés dans un style que l'on pourrait qualifier de moderne (toujours pour l'époque). Ils ressemblent à des gravures de mode. J'ai notamment pensé aux gravures de mode de la fin du 19ème-début 20ème que l'on pouvait voir dans les livres (ou autres catalogues). Ce style m'a également fait penser à ce que l'on peut voir dans des strips comme Tillie the Toiler, Fritzi Ritz ou encore Blondie. Chose amusante : cette « jeune » génération est quasiment tout le temps dessinée de profil. De leur côté, la génération des « ainés » est représentée dans un style très cartoony, style évidemment parfait pour renforcer le côté comique des situations. Étonnamment, ce mélange de style graphique fonctionne très bien. Ca ne choque pas. L'autre aspect graphique qui nous faut noter est la variété de traitement au niveau des décors. Dans ce livre, nous pouvons observer tout le talent de Cliff Sterrett. Dans la plupart des dailies reproduits, l'auteur utilise un style « normal », un peu cartoony pour dessiner les décors. Il est en adéquation avec le style graphique des ainés. Cependant, l'auteur n'en reste pas là. En effet, dans les sunday strips (et dans quelques dailies), l'auteur n'hésite pas à jouer avec son décor. Il a une approche surréaliste. Les pièces de la maison sont déformées. Il joue avec les perspectives. Ca donne un résultat visuel surprenant au premier abord. Mais au final, c'est très plaisant.

En ce qui concerne cette édition, Futuropolis nous propose donc un livre de type Hardcover dans un format à l'italienne. Tous les strips (dailies et sundays) sont en noir et blanc. Il n'y a rien à reprocher au niveau de la reproduction. Comme dit précédemment, la traduction ne semble pas parfaite. Côté éditorial, il faut signaler la présence d'un article très intéressant sur Cliff Sterrett et son œuvre.

Difficile de se faire un avis définitif sur Polly and Her Pals après avoir lu cette édition. Je dois reconnaître cette lecture m'a laissé sur ma faim. Cependant, mon intuition me dit que le potentiel du comic strip n'est clairement pas exprimé dans ce livre. Je ne peux vous recommander la lecture ce livre. Mais je ne serais pas aussi définitif sur l'intérêt de ce comic strip. Je vais donc attendre la prochaine édition proposée par l'éditeur américain IDW Publishing (nb : relire cette news pour en savoir plus). Je vais également essayer de me procurer l'édition proposée par les Editions de l'An2, édition qui a l'air bien plus respectueuse du matériel d'origine.

Note globale : et demi /5
Note du livre : et demi /5

NB : Je suis désolé de ne pouvoir vous proposer plus d'images de cette édition. Le livre est trop difficile à scanner.

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