vendredi 21 septembre 2012

Critique #70 : Beetle Bailey Dailies and Sundays 1965


Bienvenue dans l'univers du GI le plus fainéant de l'US Army. 

Son créateur, Mort Walker, est né en 1923 au Kansas. Il vendit son premier dessin à 12 ans et, après avoir servi dans l'armée entre 1943 et 1948, il vint à New York et travailla au Saturday Evening Post. Il y créa, sous forme de dessin unique, le personnage de Spider, un étudiant pour le moins nonchalant portant un chapeau rabattu sur ses yeux. L'ancêtre de Beetle Bailey était né.

Walker décida alors de lancer un comic strip basé sur Spider et contacta pour cela le King Features Syndicate. Un Spider existant déjà dans un autre strip de KFS (Big Ben Bolt en l'occurence), il renomma son héros en Beetle Bailey (Bailey était le nom du chef du service cartoon du Saturday Evening Post) et le strip débuta le 4 septembre 1950 dans vingt-cinq journaux seulement. Il fallut que Beetle s'engage dans l'armée en 1951, en pleine guerre de Corée, pour que le strip soit diffusé dans cent journaux. À partir de ce moment, le succès ne cessa de croître et les mille journaux furent atteints en 1965 et, aujourd'hui, Beetle paraît dans mille huit cents journaux et cinquante pays. Walker ne dessine plus, mais il supervise encore le travail du studio qu'il a créé et dans lequel six de ses enfants travaillent.

Strip du 3 mai 1965

L'univers géographique de Beetle Bailey se résume essentiellement au Camp Swampy (littéralement : Camp Marécageux) où il est stationné, ainsi qu'à ses environs immédiats : la ville voisine, théâtre des loisirs de la garnison, et les terrains servant aux nombreuses manœuvres. Signalons quand même un voyage entrepris par Beetle, accompagné de ses copains de chambrée et de Sarge, pour aller passer les fêtes de Thanksgiving dans sa famille, et qui durera du 9 novembre au 4 décembre 1965.

En ce qui concerne l'entourage de notre soldat, on trouve une quinzaine de personnages récurrents, le principal étant le sergent Orville P. Snorkel, plus connu sous le surnom de « Sarge ». Brute épaisse à la délicatesse de pachyderme, il adore brimer Beetle mais se retrouve souvent être la victime de ses farces ou de sa maladresse. C'est un très grand amateur de pizzas et, plus généralement, de tout ce qui est comestible. 

Parmi les autres protagonistes, plus ou moins réguliers, on trouve Zero, l'idiot de la base ; le général Halftrack, vieille baderne incompétente dont le Pentagone semble avoir oublié l'existence ; Cookie, le cuisinier aux talents culinaires assez hasardeux ; le capitaine Scabbard, un dur, en particulier avec Sarge ; le lieutenant Fuzz, très service-service mais que personne ne prend au sérieux, sans doute parce qu'il a un physique d'adolescent...

Strip du 24 juin 1965

La vie au camp Swampy est une inépuisable source de gags pour Mort Walker, gags dont Beetle n'est pas toujours la vedette. Il a, dans ce domaine, un sérieux concurrent en la personne de son sergent ! Les thèmes sont finalement assez peu nombreux. Voici les plus fréquents : la flemme aigüe de Beetle et ses ruses pour échapper à toutes les corvées ; son incapacité à produire le moindre travail sans provoquer une catastrophe ; le combat quotidien du sergent pour essayer de faire ressembler Beetle et ses copains de chambrée à des militaires ; l'incompétence des plus haut gradés et les manœuvres qui tournent mal. Il est remarquable qu'avec si peu de personnages et un environnement si réduit, Walker ait réussi à éviter la répétition pendant plus de 60 ans. Il a fait son miel de la routine d'une vie de caserne avec ses corvées souvent absurdes, ses tire-au-flanc et ses officiers bornés.
Pas étonnant que le journal de l'armée américaine, Stars and Stripes, ait fini par bannir ce strip

Sunday du 5 septembre 1965

Dans ce volume, vous trouverez quelques vagues allusions à la guerre froide mais aucune au conflit vietnamien dans lequel les États-Unis s'enfonçaient de plus en plus à ce moment-là. On comprend aisément qu'un conflit aussi dur et coûteux en vies humaines n'avait pas sa place dans un strip humoristique. D'une façon générale, à part le sergent Snorkel qui rêve parfois de gloire, les autres pensionnaires du Camp Swampy sont loin d'avoir des pensées aussi martiales et se contentent fort bien de leur vie calme et sans histoire.

Le livre est un volume cartonné à l'italienne, avec jaquette, de 21,5 cm x 17 cm.
Le contenu éditorial est composé d'un avant-propos de Mort Walker lui-même, ainsi qu'une histoire du strip par son fils Brian.
Ce volume contient les strips quotidiens et les Sundays compris entre le 1er janvier 1965 et le 9 janvier 1966. La question que l'on peut se poser est pourquoi Titan a commencé sa publication par cette période, alors que le strip a déjà 15 ans ? Peut-être une question de droits ? Checker – qui semble aux abonnés absents aujourd'hui – a publié les deux premières années du strip en 2008, n'a jamais donné de suite à cet album, mais détient peut-être les droits jusqu'en 1965. Quoiqu'il en soit, le second volume Titan, prévu pour ce mois de septembre, couvrira l'année 1966.

En conclusion, Beetle Bailey est un strip d'humour de très bon niveau et vous vous surprendrez souvent à sourire aux combines et mésaventures des pensionnaires du Camp Swampy.

(par Éric Bretenoux)

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